Colloque Femmes et Sciences : Vers des climats inclusifs ?

Chaque année, l’association Femmes et Sciences organise un colloque sur un thème spécifique permettant de discuter de la place des femmes dans les métiers scientifiques et techniques. L’édition 2024 s'est tenue à Strasbourg. Au programme, le bouleversement du climat planétaire et son impact sur la vie des femmes, le climat au travail dans le monde scientifique, les discriminations qui freinent l’engouement des jeunes filles pour les sciences ou participent à l’érosion de la présence des femmes dans les domaines scientifiques et la notion d’inclusion en élargissant le thème de la diversité à d’autres facteurs de discriminations que le genre.

Dans le cadre de la journée du 22 novembre 2024, le colloque "Vers des climats inclusifs ?" s'axe autour de l'impact croisé du changement climatique et des inégalités de genre en science.

Urgence écologique, violences sexistes et plafond de verre : un climat défavorable aux femmes en science

Sur le thème à double signification "Vers des Climats Inclusifs ?", le colloque annuel de l’association Femmes et Sciences s’est tenu le 22 novembre à Strasbourg. Plus de cent chercheur·euses, militant·es et responsables institutionnel·les ont souhaité mettre en lumière les obstacles persistants auxquels les femmes sont confrontées, qu’il s’agisse de l’impact des dérèglements climatiques ou des inégalités professionnelles, puis évoquer des solutions concrètes.

Le 20 novembre, Femmes & Sciences avait organisé une journée de formation à distance sur les mêmes thèmes, destinée aux enseignant·es des premier et second degrés.

Une double crise : écologique et de genre

Alors que s’achève une COP 29 décevante et que la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes se profile, le constat est alarmant : le changement climatique s’accélère et les violences sexistes persistent. Les femmes, en particulier dans le domaine scientifique, affrontent des défis croissants face à ces crises imbriquées. Inondations, sécheresses, incendies, tempêtes, le coût de l’inaction climatique ne peut plus être ignoré. Ces dérèglements exacerbent les inégalités, touchant en priorité les plus vulnérables. 70 % des personnes vivant dans la pauvreté sont des femmes, souvent laissées en marge des décisions qui pourtant les concernent.

Répondre à ces défis en assurant une transition écologique efficace doit devenir une priorité pour la communauté scientifique. Cette communauté est elle-même privée de talents féminins : alors que 55 % des bacheliers sont des filles, elles ne forment que 12 % de l’effectif en mathématiques et NSI. Le nombre d’admises à Polytechnique s’est quant à lui effondré de 21 % en 2023 à 16 % en 2024. Ensuite, le plafond de verre reste une réalité : les femmes ne représentent que 30 % des diplômées en sciences et technologies en France, proportion diminuant à mesure qu’elles progressent dans la hiérarchie, freinée par des pratiques institutionnelles encore figées.

Par ailleurs, le climat social au sein des institutions de recherche est lui aussi préoccupant. Les femmes scientifiques sont deux fois plus susceptibles d’être victimes de violences sexistes –visibles ou non- ou de harcèlement que leurs collègues masculins, et doivent composer avec des environnements professionnels encore mal adaptés, notamment pour celles en situation de handicap. Ces discriminations, souvent intersectionnelles, limitent non seulement leur évolution professionnelle mais aussi leur contribution à des enjeux cruciaux comme le développement durable.

Des solutions pour un climat plus inclusif

Cependant, des solutions et de bonnes pratiques existent, et des pistes de changement ont émergé des discussions menées lors de ce colloque.

1. Éducation citoyenne et formation :

Déconstruire les stéréotypes de genre dès l’enfance et sensibiliser les acteurs académiques aux enjeux de l’inclusion sont essentiels. Les formations doivent être complétées d’outils concrets pour reconnaître et combattre les violences sexistes dans les milieux de recherche.

2. Visibilité de rôles-modèles :

Mettre en avant des rôles-modèles féminins et inclusifs inspire les jeunes et montre que des parcours scientifiques réussis sont possibles malgré les obstacles.

3. Libération de la parole :

Offrir des espaces sécurisés pour que les femmes puissent témoigner et être entendues permet de briser l’omerta autour des violences sexistes, contribuant à assainir le climat professionnel.

4. Mobilisation collective :

Les réseaux sociaux, le mentorat et les lobbyings scientifiques sont des leviers puissants pour renforcer la solidarité, sensibiliser l’opinion publique et faire pression sur les décideurs politiques et institutionnels

Des outils pour agir dès maintenant

L’association Femmes & Sciences et les réseaux partenaires jouent un rôle crucial dans la mise en lumière des inégalités de genre et la création d'espaces d’échange et de soutien pour les femmes scientifiques. De précieux outils sont déjà disponibles pour prédire, comprendre et agir sur les effets de ces inégalités, au même titre que les projections climatiques et environnementales.

Trois exemples parmi d’autres :

- Le mouvement Scientifiques en Rébellion prône, au sein de toute la communauté scientifique, les actions de désobéissance civile non violente pour rendre les enjeux climatiques plus visibles et agir sur les politiques publiques, conscient que les efforts traditionnels pour alerter les gouvernements et le grand public sur l’urgence écologique ne sont pas suffisants.

- Le Violentomètre, outil qui mesure et sensibilise aux violences sexistes, est désormais adapté aux contextes académique et professionnel.

- Le programme My Mentor is a Woman aide les femmes à accéder à des postes clés dans les technologies innovantes tout en sensibilisant les hommes à leur rôle dans la création de climats inclusifs. Porteur d’espoir et de reconnaissance dans ce domaine, le 5e prix Thierry Célérier-Femmes et Sciences a été remis à la jeune doctorante en chimie Pauline Bron, porteuse de handicap, pour soutenir ses travaux d’exception et sa farouche détermination.

Enfin, des victoires majeures montrent que le changement est possible. Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que l’inaction climatique constitue une violation des droits humains. Cette décision est l’aboutissement d’années de lutte menée par l’association suisse Les aînées pour le climat, et portée par la communauté scientifique et féminine. Si ces avancées rappellent que la persévérance peut changer la donne, il est plus que temps de passer à l’action, et chaque geste compte pour limiter l’ampleur du changement climatique !

Vers un changement systémique

Malgré ces initiatives inspirantes, un changement systémique est indispensable et les solutions existent. Mais il manque aujourd’hui une volonté politique pour les mettre en œuvre. Intégrer les enjeux environnementaux et de genre dans les politiques publiques et institutionnelles reste un défi majeur.

Les intervenant·es du colloque tout comme l’assemblée l’ont affirmé avec force : seules des actions globales, impliquant l’éducation, les institutions et les décideur·euses, permettront de relever les défis environnementaux et de transformer durablement les climats de travail en des espaces inclusifs et respectueux.

 

Les Actes de la formation et du colloque "Vers des climats inclusifs ?" seront disponibles fin février 2025
www.femmesetsciences.fr
secretariat[a]femmesetsciences.fr

 

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