Des chercheurs du laboratoire Kastler-Brossel (LKB) et de l’Institut Langevin ont montré qu’on pouvait reconstruire l’image d’un objet placé derrière un écran opaque à l’aide d’une simple photo, en analysant la lumière diffusée.
Un milieu opaque, comme une vitre diffusante, cache au regard un objet qui se trouve derrière. En effet, la lumière issue de cet objet, arrivant sur le milieu opaque, va être déviée de manière complexe par la rugosité où les inhomogénéités qui la composent. Notre œil, ou une camera, ne peut reformer l’objet. Pour les mêmes raisons, il est difficile de voir (que ce soit à l’œil ou avec un MICROSCOPE) en profondeur dans les tissus biologiques, à cause de la grande complexité des tissus que la lumière doit traverser. Cette limite fondamentale est un problème crucial pour l’optique biomédicale, et pour l’imagerie en général. De nombreux travaux ont visé à tenter de mesurer et compenser cette distorsion, en particulier à l’aide des techniques dites de contrôle de front d’onde. Malgré des progrès énormes, ces techniques restent lentes, et encore difficile à mettre en œuvre en pratique pour l’imagerie.
Ces problèmes viennent d’être en partie résolus par une équipe de chercheurs du LKB et de l’Institut Langevin, qui vient de développer une technique d’imagerie exploitant le fait que la tache de diffusion transmise par le milieu opaque contenait, sous certaines conditions, suffisamment d’information pour reconstruire l’image de l’objet masqué.
Cette technique s’inspire de l’interférométrie stellaire de speckle, développée dans les années 70 par l’astronome Antoine Labeyrie, qui avait notamment permis de détecter des étoiles binaires à l’aide de télescopes terrestres, malgré les aberrations dues à l’atmosphère, en utilisant le fait que la position des étoiles était encodée dans les corrélations spatiales de les grains qui constituent la tache de diffusion (le speckle). Elle s’inspire également de travaux plus récents utilisant le même concept (menés à Twente aux Pays-Bas dans l’équipe d’Allard Mosk) ayant montré qu’on pouvait, en scannant l’illumination, récupérer l’image d’un objet placé derrière un écran diffusant. L’originalité de l’approche développée au LKB et à l’Institut Langevin est de montrer qu’ une unique image de la tache de diffusion contient suffisamment d’information pour reconstruire l’objet. Cette approche ne nécessite donc ni scan ni un long temps d’exposition pour reconstruire l’image de l’objet, au contraire des deux méthodes précédentes. En fait, elle est si simple qu’un simple appareil photo de téléphone portable permet de réaliser l’expérience (voir figure). D’autre part, elle est non-invasive et rapide, ouvrant potentiellement des perspectives en imagerie des milieux complexes, et en particulier en imagerie des tissus in-vivo comme ceux du cerveau étudiés en neuroscience.
Contact : Sylvain Gigan sylvain.gigan[a]lkb.ens.fr
Article posté le 08/10/2014