Enseigner la physique à l’université

Comte-rendu du colloque régional des 6 et 7 juillet 2015 - Paris

Le premier colloque « Enseigner la physique à l’université », qui s’est tenu à Paris début juillet 2015, a regroupé une centaine d’enseignants-chercheurs, franciliens pour la plupart. À travers une quarantaine de présentations orales(*), un enrichissant partage d’expériences et de pratiques a été fait dans un cadre dépassant les frontières de chaque université. Loin d’être une corvée, l’enseignement s’est ainsi vu flatté comme un domaine de réflexions, d’innovations, où la réussite des étudiants, formés pour mais aussi par la physique, est au cœur des préoccupations d’enseignants enthousiastes qui mettent naturellement leurs qualités de physiciens au service de leurs enseignements.

(*) Les noms cités entre parenthèses sont ceux des intervenants, dont les présentations peuvent être trouvées sur le site internet du colloque.

 

Un colloque sur l’enseignement de la physique à l’université : une gageure !

Les 6 et 7 juillet 2015 s’est tenu à Paris le colloque « EPU2015 : Enseigner la physique à l’université ». Ce colloque avait pour objectif de réunir les acteurs de l’enseignement à l’université et de promouvoir une réflexion centrée sur l’enseignement d’une discipline spécifique : la physique. Cette caractéristique apparaît nécessaire : l’identité disciplinaire est une composante forte de la manière dont se façonne le métier d’enseignant à l’université dans un contexte particulier où les enseignants sont, pour la plupart, des chercheurs. La récente refonte des programmes de physique dans l’enseignement secondaire a suscité d’importantes adaptations des maquettes de licence, et de nombreuses expériences pédagogiques ont été testées dans les universités ces dernières années. Dans ce contexte, où chaque université tire les premiers bilans de ces modifications, le colloque « Enseigner la physique à l’université » se proposait de mettre en commun ces expériences nouvellement acquises dans les différents départements de physique des universités franciliennes. L’un des partis pris de cette conférence était également d’associer des enseignants issus de deux communautés : la recherche en physique et celle sur l’enseignement de la physique. Au-delà des défiances qui ont pu marquer certaines de leurs relations, physiciens et didacticiens se sont donc retrouvés autour d’échanges aussi complémentaires que constructifs. Ces deux journées ont constitué une expérience novatrice pour la plupart des participants (et des organisateurs), qui ont eu pour la première fois l’occasion d’échanger sur leurs pratiques pédagogiques et leurs questionnements en dehors des frontières de leur université. Pour cette première expérience, où la popularité que rencontrerait cet événement auprès de la communauté visée était imprévisible, nous avions souhaité lui donner un caractère régional. Le colloque EPU 2015 a donc été annoncé essentiellement dans les universités d’Île-de-France, mais certains collègues de province s’étaient déplacés pour y participer. Au total, le nombre d’inscrits s’élevait à 115 ; 60 à 80 participants étaient présents tout au long des deux journées, et 40 communications orales ont été présentées. Le programme des communications a été établi en alternant retours d’expériences et analyses sur le fond de certaines pratiques d’enseignement. Les deux journées se sont déroulées dans une atmosphère de partage et de découverte. Elles ont fait ressortir une culture commune des enseignants de physique à l’université, et un souhait réel de poursuivre les échanges qui ont eu lieu autour des pratiques pédagogiques. Sur le fond, les journées EPU 2015 ont été l’occasion de découvrir un large spectre d’expériences et des pratiques variées : par les thèmes choisis (le rôle de l’expérimentation, de la problématisation, la question de la transition lycée/université, celle de la motivation des étudiants, etc.), mais aussi par les espaces questionnés (TP, cours en amphi, TD, etc.). Le plus frappant, c’est que chacun paraissait porté par une volonté partagée de faire de l’enseignement un espace de rapprochement des étudiants avec la physique.

Enseigner : rapprocher les étudiants et la physique

Rapprocher les étudiants et la physique, c’est rapprocher les étudiants et l’enseignant lui-même, vecteur d’enthousiasme pour cette physique à laquelle il consacre sa vie de chercheur. Cela peut passer par l’installation d’une forme de complicité, de « connivence » avec l’enseignant, que semblent favoriser le travail en petits groupes au sein des TD (Lidgi-Guigui), ou les « manips de cours », dont les résultats surprenants captent l’intérêt, et dont l’enjeu (succès ou échec) renforce la complicité enseignant- étudiant (Boissé). Rapprocher les étudiants et la physique, c’est recréer de l’appétence pour une discipline délaissée par des lycéens que les sciences faisaient pourtant rêver lorsqu’ils étaient enfants (Fuchs). Rapprocher les étudiants et la physique, c’est présenter une physique plus « authentique », plus « proche de la science telle qu’elle se fait », celle qui s’incarne, par exemple, dans les nanosatellites(a) (Rambaux, Hallouin) ; une physique indissociable dans sa pratique de sa dimension expérimentale (Latour), une physique stimulante dont on va trouver trace dans le sport (Elias, voir encadré p. 36) et dans les jouets (Baumberger).

« On a les étudiants que l’on a »

Loin des poncifs souvent rebattus, les journées EPU 2015 ont laissé peu de place aux lamentations. Certes les étudiants ont un passé lycéen moins mathématique, plus culturel, moins formel (Fontaine), certes ils ne connaissent plus la formule de l’aire d’un disque et peinent à citer la masse volumique de l’eau (Browaeys, Décamp & Schwemling). Mais chacun veut faire avec les étudiants qu’il a, et qui ne sont pas tels que l’on pense qu’ils sont ; qui ne sont pas davantage ceux que nous étions (Chemla). Et c’est cela qui motive la recherche de solutions : faire réussir les étudiants, quels qu’ils soient, en facilitant la transition lycée/université (Toulgoat, Brulard) pour pallier notamment le déficit de connaissances mathématiques (David). Ainsi, les plateformes numériques de travail offrent des perspectives prometteuses (Rouyer).

Un enseignement porté par les qualités du physicien

Lorsqu’il est enseignant-chercheur, et c’est le plus souvent le cas, ce qui forge l’identité professionnelle d’un enseignant d’université, c’est qu’il va puiser dans son métier de chercheur les ressources pour enseigner (de Hosson & Décamp). Il dispose non seulement des qualités nécessaires à l’exercice pédagogique d’une physique authentique et proche de la recherche (Couder & Derr), mais également d’une remarquable capacité d’adaptation, qui peut s’exercer relativement librement, notamment lorsqu’il agit dans un cadre peu contraint (option, projets, enseignements interdisciplinaires) (Pansu), mais parfois aussi dans des enseignements à plus large effectif (Rezeau, Courty). À ces qualités s’ajoute une propension au doute. Ici, pas de témoignage qui n’ait pas fait l’objet d’un examen critique réflexif : ce qui fait rêver l’enseignant n’est pas nécessairement ce qui fait rêver l’étudiant, nous dit-on, et il ne suffit pas de rendre les choses attractives pour qu’elles deviennent compréhensibles, car une « belle chair » n’est rien si elle n’est pas portée par un squelette robuste (Baumberger, Kierlik). Quant au réel, il n’est pas si facile à « mettre en boîte » (Boissé).

Des idées à diffuser

C’est donc avec la raison de l’autocritique que chacun est venu présenter ses idées, mises à l’épreuve de l’expérience in vivo, et engageant, par exemple, des modifications de l’ordre usuel d’exposition des concepts de la mécanique du point (Marguilies), un enseignement conçu à partir d’une approche épistémologique (Fautrat) ou reposant sur le principe de la résolution de problèmes (Courty, fig. 1) et de la pédagogie par projet (Dupuis). Et c’est avec enthousiasme que les participants ont pu tester les fameux “clickers” (Parmentier), ces petits boîtiers de vote électroniques promus au rang de facilitateurs d’interactions et de motivation (Rezeau, Ayrinhac).

Un lieu de rencontre entre physiciens et didacticiens de la physique

Les journées EPU 2015 se voulaient également un lieu de rencontre entre physiciens et chercheurs en didactique de la physique, discipline encore mal connue dont le but est d’éclairer les raisons pour lesquelles il est parfois si difficile pour un individu de donner du sens aux lois, aux concepts de la physique. En effet, la physique se construit souvent contre une intuition robuste qui dote les objets, tels que les images optiques, de propriétés matérielles, qui attribue aux corps en mouvement une force dirigée dans le sens de ce mouvement (Munier), une intuition qui vient se heurter au verdict de la troisième loi de Newton (Lebrun & de Hosson). Au-delà de l’intérêt qu’elle porte aux étudiants, la recherche en didactique s’intéresse également aux enseignants, à leurs pratiques. Que faisons-nous, par exemple  lorsque nous parlons d’incertitudes de mesures (Caussarieu) ? Que faisons-nous lorsque nous évaluons (Delserieys, Horoks & Pilet) ? Avons-nous toujours conscience de l’impact de nos choix sur ce qu’ils provoquent en termes de compréhension, de réussite ? À quoi voulons-nous former nos étudiants ?

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