Daniel Esteve, né en 1954, docteur en sciences (1983), est directeur de recherche au CEA et responsable du groupe Quantronique dans le Service de physique de l'état condensé au CEA-Saclay. Il est également membre de la section Physique de L'Académie des Sciences, membre du Conseil scientifique de l' European Research Council (ERC) ainsi que de l'Académie Européenne. Daniel Estève a reçu le Prix Germain du Collège de France (1983) , le Prix Ampère de l'Académie des sciences (1991) ainsi que le Prix Agilent Europhysics (2004).
DE LA PHYSIQUE QUANTIQUE AVEC DES CIRCUITS ÉLECTRIQUESLe 21 octobre dernier à l'occasion de sa remise de Prix au Quai Branly, la SFP fut très heureuse d'honorer le directeur de recherche Daniel Estève qui est, avec son équipe Quantronique du CEA Saclay, un acteur important du développement de la physique mésoscopique et de l'information quantique. |
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Ses contributions les plus importantes ont porté sur :
-Le test des prédictions de la mécanique quantique pour un circuit électrique nanofabriqué mais tout de même macroscopique.
-La compréhension du blocage de Coulomb
-La conception et la réalisation de dispositifs à un électron dans lesquels le courant électrique est contrôlé électron par électron,
-La détermination des interactions résiduelles entre quasiparticules électroniques, complètement indépendantes dans la théorie de Landau des conducteurs
-La supraconductivité à l'échelle mésoscopique, notamment avec des contacts de taille atomique.
-La conception et la réalisation d'un premier circuit supraconducteur quantique, la boîte à paires de Cooper, du premier circuit électrique dérivé de cette boîte capable de reproduire les expériences fondatrices de la mécanique quantique, et récemment d'un processeur quantique élémentaire.
Daniel Estève est responsable du groupe Quantronique du SPEC au CEA Saclay, un groupe qui a beaucoup contribué au développement de la physique mésoscopique et de l'information quantique. Tl a commencé ses recherches dans le domaine de la physique statistique. Pour sa thèse, il a montré par des méthodes de RMN originales que des solides cristallins mélangeant des atomes sphériques avec des molécules de type ballon de rugby adoptent une phase de type verre pour les orientations des molécules.
Passé ensuite à la mécanique statistique quantique, il fonde avec ses collègues et amis Michel Devoret et Cristian Urbina le groupe Quantronique au milieu des années 1980. La quantronique s'intéresse aux circuits électriques dont le comportement est véritablement quantique, au-delà de la propagation quantique des électrons. Il construit un premier circuit avec une jonction Josephson dans un résonateur pour déterminer comment la dissipation affecte l'effet tunnel quantique macroscopique observé dans une telle jonction. Un très bon accord est obtenu avec les prédictions de la théorie de Leggett et Graben. Après avoir mis en oeuvre la lithographie électronique pour fabriquer de très petites jonctions, il développe l'électronique à un électron avec l'équipe. Il explique notamment comment l'effet tunnel à travers une jonction est affecté par l'impédance de son circuit, un effet appelé blocage de Coulomb dynamique. Grâce à cette compréhension, il propose et réalise avec l'équipe une série de dispositifs pour transférer les électrons de façon contrôlée, l'écluse et la pompe à électrons qui serviront peut-être à redéfinir l'ampère dans le SI. Avec l'équipe, il met ensuite en œuvre la boîte à paires de Cooper averc laquelle une équipe de NEC démontrera le premier bit quantique électrique en 1999. Pour aller plus loin, il propose et réalise avec l'équipe en 2001 une nouvelle version de cette fameuse boîte mettant en œuvre une stratégie pour combattre la décohérence, et une méthode de mesure de l'état quantique en un coup. Ce circuit, appelé quantronium, est le premier atome artificiel électrique capable de reproduire les expériences fondatrices de la mécanique quantique. L'équipe a continué cette voie de recherche sur la boîte à paires de Cooper, et démontré récemment un processeur quantique très élémentaire mais prouvant sur un problème simple l'avantage des algorithmes quantiques.
Daniel Estève s'est intéressé à de nombreuses questions en physique mésoscopique et en supraconductivité, en déterminant les interactions résiduelles entre quasiparticules électroniques de Landau dans un conducteur, ou en réalisant la première expérience d'effet Josephson avec des supraconducteurs à haute température critique, prouvant ainsi l'existence de l'appariement. Il a développé la supraconductivité mésoscopique, en montrant que les électrons sont sensibles à la parité de leur nombre même très grand dans une électrode supraconductrice, ou en caractérisant l'effet de proximité dans un conducteur mésoscopique en contact avec des supraconducteurs. Avec Cristian Urbina, Daniel Estève a mis au point la nanofabrication et la caractérisation de contacts de taille atomique qui, en permettant de tester quantitativement les prédictions théoriques, constituent un système modèle pour la physique mésoscopique. L'équipe a beaucoup exploité ce système, avec la découverte récente d'un doublet d'états dits d'Andreev qui se manipule maintenant comme un bit quantique.
Récemment, Daniel Estève a contribué à développer avec de jeunes chercheurs de nouvelles sources pour l'optique quantique microonde, un nouveau domaine très riche, et par ailleurs des circuits hybrides combinant bits quantiques et spins microscopiques pour l'information quantique.
Daniel Estève est un créateur d’expériences nouvelles, belles et importantes, qui ont eu un grand retentissement et un fort impact en physique, engendrant de nouvelles approches et de nouveaux concepts en physique quantique. La discipline foisonnante que représente aujourd’hui l’information quantique dépasse les systèmes élémentaires naturels (atomes, photons, ions) pour s'étendre sur les systèmes artificiels, ouvrant la voie à un développement futur à grande échelle de technologies révolutionnaires.
De gauche à droite : Alain Fontaine (Président de la SFP), Bernard Bigot (Administrateur général du CEA), Daniel Estève (lauréat)
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Article posté le 30/10/2014